Le monde du vivant et sa matérialité sont au cœur du travail d’Emmanuelle Mason. Toujours sensible et troublante, la forme se déploie au fil de la pensée à travers différents médiums – dessin, estampe, sculpture, installation - même si tous ses gestes sont reliés, d’une manière ou d’une autre, au dessin, au « fait main » et à la « belle manière ». Son travail rejoue redoutablement la question d’un sublime transposé au monde contemporain et aux apories éthiques, philosophiques, sociales et écologiques qu’il porte.
Ses recherches – sur l’animal, le végétal, la forêt, le corps, la mort, la guerre – forment comme un maillage de formes et de pensées, qui montre l’interconnexion de toute chose, et où gestes (brûler, couper, ciseler, réparer…), motifs et idées reviennent comme un ressac, de projet en projet. Ses œuvres ont pour point commun de montrer une extrême délicatesse qui piège le regard, même lorsque le sujet est violent. Lorsque son travail se fait tendre ou contemplatif, on trouve malgré tout une coupure, une brûlure, une réaction chimique, qui tente de prendre en charge la tonalité ambiguë du sujet, et en laisser percevoir toute l’étrangeté et la complexité. Les matériaux et les phénomènes qui constituent les œuvres se montrent pour ce qu’ils sont : l’insecte xylophage grave pour se nourrir, le feu détruit mais aussi créé le carbone dont toute chose vivante est constituée, l’oxygène oxyde le monde, et en cela rend la vie telle que nous la connaissons possible…
Emmanuelle Mason revendique une vision de l’artiste en inventeur·euse de mondes et en cela elle est convaincue de la dimension politique et engagée de son métier. Selon elle, les artistes donnent forme à des pensées futures qui n’ont pas encore été pensées et ne sont peut-être pas pensables du tout. Elle aspire à rejouer la figure de l’artiste en ingénieur·e, scientifique et philosophe, pour ouvrir avec l’art et l’imagination un espace de quête de sens et d’action, et non seulement de contemplation.